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Dossier : Les plus grands designers de montres dont vous n'avez jamais entendu parler

Si l’on nous demandait de citer plusieurs designers de montres, la plupart d'entre nous aurait probablement du mal à mentionner d’autres créateurs que le légendaire Gerald Genta. Ce génie est à l'origine de la Nautilus de Patek Philippe, de la Royal Oak d'AP et de l'Ingenieur d'IWC, parmi d'innombrables autres modèles.

Il aurait conçu plus de 100 000 garde-temps au cours de sa carrière, laissant environ 3 000 croquis et peintures à sa femme à sa mort en 2011. Une centaine de ses œuvres ont été mises en vente cette année lors de la vente aux enchères "Gerald Genta : Icône du temps".

La renommée de Genta était plus que légitime et l'industrie ne connaîtra probablement plus jamais un tel talent. Cet incroyable designer freelance très prolifique a joué un rôle essentiel dans l'histoire d'une poignée de grandes marques suisses, fournissant souvent des modèles à plusieurs d'entre elles à la fois. Il a même réussi à lancer deux marques de montres à lui tout seul.

Mais un certain nombre d'autres créateurs de montres ont également laissé leur empreinte sur l'industrie depuis l'apogée de Genta, et il est possible que vous n'ayez jamais entendu parler d'aucun d'entre eux. C'est tout à fait normal. Contrairement à Genta, qui se déplaçait en Ferrari et avait une personnalité extravagante, les designers de montres ont tendance à être des artistes reclus qui préfèrent s'enfermer dans leur studio avec leur imagination pour compagnie, plutôt que de faire la fête avec la presse sous les lumières de Watches & Wonders.

Nous vous présentons ici quelques-uns de nos designers préférés et leurs créations les plus remarquables.

Vous avez d’ailleurs peut-être possédé un ou deux de leurs modèles au cours de votre vie.

Debout sur les épaules de Genta

Si quelqu'un doit se tenir aux côtés de Gerald Genta dans le panthéon des grands créateurs de montres, c'est bien Jorg Hysek. Né à Berlin-Est en 1954, Hysek a fui la ville avec sa famille peu avant la construction du mur en 1961 et s'est installé à Genève, capitale spirituelle de l'horlogerie.

Sa formation l'a préparé à une belle carrière horlogère, passant d'un cours de micro-mécanique à Bienne, en Suisse, à des stages dans des écoles d'art en Allemagne et à Londres.

De retour en Suisse au milieu de la crise naissante du quartz, Hysek a rejoint le département de conception de Rolex avant de créer sa propre entreprise à l'âge de vingt ans.

Son premier client a été Vacheron Constantin, pour qui il a conçu une montre à gousset primée et le modèle 222, aujourd'hui très recherché, précurseur de l'Overseas - souvent attribué à tort à Gerald Genta en raison de son look Genta-esque.

Hysek a fini par developper son propre style et a fait partie intégrante du succès de TAG Heuer dans les années 1990, créant la gamme Kirium, aujourd'hui abandonnée, avec ses modèles aux bracelets intégrés et aux looks sportifs (essayez de les trouver sur le marché de l'occasion).

Parmi les autres marques connues qui ont fait appel aux services de Hysek figurent Breguet, Tiffany & Co, Cartier, Ebel et même Seiko.

Outre d'innombrables montres, Hysek a conçu un certain nombre d'instruments d'écriture de luxe et, tout comme Genta à la fin de sa vie, il s'est récemment remis à la peinture et à la sculpture qu'il avait étudiées à l'école d'art, exposant ses œuvres dans le monde entier (image ci-dessous).

Le « tueur de bébé » d'AP

Lorsqu'Audemars Piguet a décidé de revisiter la Royal Oak à l'occasion de son vingtième anniversaire et de lui donner un look un peu plus imposant, elle s'est tournée vers le jeune designer suisse Emmanuel Gueit, âgé de 22 ans.

Loin d'être intimidé par la tâche monumentale consistant à améliorer ce que certains considèrent comme la perfection horlogère, Gueit a déclaré qu'il était « jeune et qu'il ne se souciait pas vraiment de prendre des risques ».

Il a abordé le projet avec enthousiasme, en renforçant considérablement le boîtier, en ajoutant un protège-couronne et en introduisant des bracelets sportifs intégrés en caoutchouc plutôt que le bracelet classique de la Royal Oak.

Malheureusement pour Gueit, Gerald Genta détesta tous les changements, et lors du Basel World de 1993, entrant en trombe dans le pavillon AP, celui-ci se mit à crier : « Vous avez tué mon bébé ! ». Ce débordement a même été rapporté par les chaînes d'information de la télévision suisse.

Après avoir été réprimandé en public par une légende, on aurait pu penser que Gueit aurait pris sa retraite sur le champ et fui le pays, rouge de honte. Mais Gueit semble avoir eu le dernier mot, en voyant d'autres grandes marques adopter des boîtiers surdimensionnés et en travaillant pour Piaget et Rolex, contribuant à donner un nouveau souffle à la collection Cellini de cette dernière.

La ligne Offshore est toujours aussi populaire et AP a encore relevé la barre au cours des vingt dernières années en lançant ses montres Concept futuristes. Nous nous demandons ce que Genta - qui a lui-même contrarié quelques personnes en fabriquant des montres de luxe Mickey Mouse - aurait fait pour la création de la Concept Black Panther Flying Tourbillon.

Le parrain de Grand Seiko

En 1959, Seiko a procédé à un long audit de sa marque et a décidé que ses montres manquaient d'une identité commune.

Il y avait peu de choses qui les distinguaient des modèles standard provenant de la Suisse. Le Japon est un pays qui s'est toujours vanté d'avoir une esthétique propre, que ce soit dans l'architecture, le mobilier ou l'habillement. Alors pourquoi Seiko fabriquait-elle des montres qui avaient l'air si classiques ?

Pour y remédier, la marque a embauché son tout premier designer ayant reçu une formation officielle, Taro Tanako, un jeune diplômé en design qui allait s'avérer essentiel au succès mondial de Seiko et, par extension, de Grand Seiko.

Au cours des années suivantes, Tanako a élaboré une philosophie de conception qu'il a appelée « la Grammaire du Design », une série de règles qui devaient être suivies religieusement pour garantir que les montres Seiko se démarquent constamment sur le marché, conservent la meilleure qualité de production possible et soient immédiatement reconnaissable comme des montres Seiko.

De ces règles sont nés les attributs qui sont aujourd'hui synonymes de Grand Seiko, notamment la finition miroir (alias polissage Zaratsu) et les boîtiers, aiguilles et marqueurs à facettes multiples et aux arêtes vives, conçus pour maximiser l'interaction avec la lumière à la manière des pierres précieuses finement taillées.

De nombreux experts ont également fait remarquer que les montres évoquent l'origami, l'ancien art japonais du pliage du papier.

Les règles de la Grammaire du Design de Tanako s'appliquaient initialement aux modèles haut de gamme tels que Grand Seiko et King Seiko, avant de s'étendre aux modèles Seiko standard tels que la Seiko 5 et la "Pogue", le premier chronographe automatique dans l'espace, qui est désormais une montre culte pour les collectionneurs Seiko.

Aujourd'hui, la philosophie de Tanaka est fidèlement défendue par Nobuhiro Kosugi, l'actuel designer de Grand Seiko, qui s'est engagé à "ajouter de nouvelles interprétations des traditions tout en les maintenant".

Le roi de l'innovation de TAG Heuer

Si TAG Heuer veut être à la hauteur de la première partie de son nom (TAG étant l'abréviation de "Techniques d'Avant Garde"), l'expérimentation est primordiale.

Des modèles comme la Carrera Microgirder - un chronographe capable de mesurer 1/2000ede seconde et l'incroyable Monaco V4 avec sa transmission par courroie ont permis à cette marque légendaire de rester à l'avant-garde de l'innovation, bien qu'elle soit connue comme l'une des marques de montres de luxe les plus abordables. Grâce à tout cela, TAG Heuer occupe une position unique dans le secteur.

Quant à la personne qui se cache derrière ces modèles révolutionnaires, il s'agit de Christoph Behling, un designer allemand qui est le principal concepteur de TAG Heuer et qui dirige également son propre studio de conception de produits à Londres.

La collaboration de Behling avec TAG Heuer a commencé par une collection de lunettes (aujourd'hui abandonnée) avant de s'étendre aux montres. Outre les modèles susmentionnés, Behling a également travaillé sur le modèle conceptuel Diamond Fiction pour dames et sur la série sportive Aquaracer.

Il a déclaré que son rôle au sein de la société était « d'incarner l'esprit de Jack Heuer et de s'appuyer sur cet héritage pour créer ce qu'il ferait s'il était vivant aujourd'hui ».

Il a également travaillé avec une autre marque de montres appartenant à LVMH, Zenith, dont il a contribué à affiner et à moderniser la collection Defy pour le 21e siècle.